Qui est le perchiste varois Anthony Ammirati, auteur d’une saison de folie?

Article paru dans var matin par Vincent Beltran  Publié le 15/12/2022

Anthony Ammirati a réalisé une année 2022 stupéfiante avec un titre de champion du monde U20 de saut à la perche et un sacré record. Retour sur ses exploits là où tout a commencé. Chez lui, à Montauroux.

Pour sa première saison chez les seniors, le perchiste Anthony Ammirati aimerait notamment se qualifier pour les championnats du monde en Hongrie cet été. Photo Florian Escoffier

Pour comprendre la saison démente du « man from Montauroux », il fallait se rendre là où tout a commencé. Au cœur de la maison familiale du perchiste Anthony Ammirati. À deux pas du lac de Saint-Cassien, où il a grandi. Dans cette ville prononcée avec un accent anglophone et sans « r » – essayez, c’est marrant – par un commentateur en Colombie qui lui a donné ce sobriquet, cet été. Le soir de son sacre de champion du monde U20, à 19 ans. Une nuit magique suivie, en France avec le décalage horaire, par les proches du membre de l’Entente du pays de Fayence athlétisme (EPFA).

Mais bien avant de surprendre sa famille, de l’inviter au rêve avec ses sublimes résultats, le deuxième meilleur performeur de l’histoire des juniors (5,81m (1)) a vécu une enfance paisible. Marquée par les activités physiques et une saine compétitivité.

« Petit, il était gringalet »

« Nous souhaitions que nos deux enfants fassent du sport [sa grande sœur Lou courrait le 200m, le 400m et le 400m haies, Ndlr], se remémore Armand, son papa. Anthony a toujours été sportif, même si petit il était gringalet. Il a commencé par le judo, puis le tennis avant de démarrer l’athlétisme. » Mais il volait sur les tatamis et s’ennuyait en tapant la petite balle jaune.

Tandis que dès les benjamins, à l’EPFA, ses qualités ont été repérées. Avant d’être développées avec Gérard Vialette, son ancien entraîneur à Fayence et au pôle espoirs du Creps de Boulouris, à Saint-Raphaël.

« Il possède de grosses aptitudes physiques et des qualités de pied exceptionnelles », affirmait-il voilà un peu moins de deux ans, avant qu’il n’intègre le pôle France de perche de Clermont-Ferrand, à l’intersaison 2021 sous la houlette de Philippe d’Encausse, à l’aube de sa saison de folie.

Une année où son immense force mentale a également parlé. En remportant le titre mondial U20, un an après sa grande désillusion de Nairobi (Kenya), dans cette même compétition.

« Je ne pouvais pas réaliser une meilleure saison, confie Anthony avec du recul. Je m’étais blessé tout l’hiver [lésion de 20cm aux ischio-jambiers]. Pour moi, si, dans un premier temps, j’arrivais à sauter 5,60m, c’était déjà bien. J’ai pris des grosses perches lors de l’Athlé Urban Xperience à Salon-de-Provence [en juin] et je passe cette barre. Ensuite, l’objectif prioritaire de ma saison était d’obtenir l’or aux Mondiaux et, là aussi, j’y arrive [5,75m, début août, à Cali]. Après, il fallait que je tente ce record à 5,81m (2) [fin août en Allemagne]. Un ultime défi réussi. »

Le challenge dans la peau

Des nerfs d’acier. En y allant crescendo, il a validé chaque étape. Sans flancher. À croire que son amour de toujours pour le challenge lui a sans doute servi.

« Dans n’importe quel jeu, que cela concerne le sport ou non d’ailleurs, il aime les défis depuis tout petit. À 4 ans, avec son petit 4×4, il braquait, faisait des créneaux… Il était impressionnant, glisse en souriant et avec émotion Ingrid, sa maman. Un esprit de compétition développé d’abord en famille, avec sa sœur, puis avec ses amis, contre lui-même… Ça le poursuit jusque dans le très haut niveau aujourd’huiMais tout en gardant un rapport sain. »

Et, en véritable sportif touche-à-tout, Anthony Ammirati ne s’arrête jamais. Les différents confinements n’ont d’ailleurs pas freiné ses ardeurs: « Dans cette période, je ne passais pas un jour sans faire du sport. Je suis même allé jusqu’à aller chercher une roue de tracteur dans un champ pour me dépenser en la traînant. » Inarrêtable. Comme lors de son ultime saison U20.

Place maintenant à la cour des grands pour l’athlète désigné espoir français de l’année début décembre. Avec un potentiel de médaillable olympique, « The man from Montauroux » continue de travailler dur, de ne rien lâcher. Pour s’envoler, perche à la main, au bout de ses rêves.


1. Seul l’extraterrestre suédois Armand Duplantis a fait mieux en U20 avec 6,05m en 2018, remportant au passage les championnats d’Europe seniors à 18 ans.

2. Une barre également légèrement supérieure aux minima pour les Mondiaux seniors de 2023.

Bio express

16 juillet 2003: naissance à Grasse (19 ans).

Premier et actuel club: entente du pays de Fayence athlétisme, ex-membre du pôle espoirs du Creps de Boulouris (Saint-Raphaël), formé par Gérard Vialette.

Intersaison 2021: rejoint le pôle France de perche de Clermont-Ferrand, dirigé par Philippe d’Encausse.

Palmarès: champion du monde U20 2022, d’Europe U20 2021, plusieurs fois champion de France junior, médaillé de bronze aux France élite (seniors), argent aux Jeux méditerranéens (seniors)…

Record: 5,81m. Deuxième meilleur performeur de l’histoire des juniors.

« Sa discrétion est l’une de ses armes »

Il dirigeait récemment le stage du pôle France de perche à Stellenbosch, non loin du Cap en Afrique du Sud, jusqu’à la mi-décembre. Philippe d’Encausse (1), entraîneur d’Anthony Ammirati et de huit autres athlètes (dont un certain Renaud Lavillenie), a pris le temps d’évoquer la saison d’exception de l’enfant de Montauroux. Sans oublier de parler de l’homme qu’il a découvert avec plaisir.

Quel est votre regard sur la saison d’Anthony?

Avant tout, quand on récupère des gamins de cette qualité, c’est de faire en sorte qu’ils s’intègrent. Il y a la perche, mais aussi tout le contexte autour. Il fallait qu’il se sente bien là où il était. Sa saison n’a pas été lancée de matière optimale puisqu’il s’est blessé rapidement, courant novembre [2021, Ndlr]. Le changement de vie a certainement joué: il était seul, il commençait la fac… Mais cela m’a permis de connaître un peu plus le bonhomme, de voir éventuellement ses faiblesses physiques et on a pu bosser là-dessus. Pour qu’il progresse avec régularité, de manière linéaire. Avec un objectif clair et simple: devenir champion du monde junior en 2022 [après la déception des Mondiaux 2021 ratés]. Au fur et à mesure de la saison, il aurait presque pu jouer une qualif aux championnats du monde ou d’Europe seniors. Mais j’étais partisan de ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Et même s’il avait de l’avance sur le papier, il s’est très bien comporté, dans un concours relevé.

D’autant qu’il passe ensuite 5,81m…

Il s’agit d’une vraie perf. Si on enlève Duplantis, qui est hors norme, seulement deux athlètes avaient réalisé 5,80m en junior.

Pourquoi et comment a-t-il explosé cet été?

Il ne manque pas de qualités physiques et il sait où il veut aller. Mais surtout, il ne le claironne pas sur les toits. Sa discrétion est une de ses armes. Il n’a pas besoin de l’ouvrir pour que l’on sache qu’il est bon. Une forme d’humilité qui ne fait pas de mal, bien au contraire.

Votre bonne relation avec son ex-entraîneur Gérard Vialette a permis une transition cohérente…

Bien sûr. Antho a été bien formé. On lui a appris l’athlétisme, pas uniquement la perche. Il détient des bases saines, on n’a pas besoin de lui réapprendre ce qu’il sait déjà. Gérard, je le connais depuis 30 ans. On a échangé et anticipé sur sa venue à Clermont. Il n’y a pas eu de tiraillement.

Quels objectifs avez-vous fixés pour sa première saison en senior?

Être régulier à ce niveau-là, voire un petit peu mieux. Et il ambitionne de participer aux mondiaux cet été [en Hongrie] puisqu’il a déjà réalisé les minima.

À court ou moyen terme, jusqu’où peut-il aller?

Ceux qui ont fait 5,80m en junior ont passé les 6m. Alors, je lui souhaite. Il a les moyens de concourir lors de futures olympiades et d’être performant.


1. Treize sélections en Bleu, dont deux aux Jeux olympiques (à Séoul en 1988 et Barcelone en 1992). Record: 5,75m, en 1993. Fils d’Hervé d’Encausse, ex-détenteur du record d’Europe dans les années 1960.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.