Article paru dans Var Matin – Propos recueillis par Vincent Beltran Publié le 15/02/2023
Maxime Moitié-Charnois a été sacré champion de France U20 d’heptathlon en battant le record de Kevin Mayer ce week-end en Normandie. Mieux: le Fayençois a réalisé la deuxième meilleure performance mondiale junior de tous les temps.
Le parallèle tiendrait-il du surnaturel? Ils sont nés à Grasse, ont grandi à Montauroux, côtoyé le Creps de Boulouris à Saint-Raphaël ensemble et réalisé la deuxième meilleure performance mondiale junior de tous les temps dans leur discipline respective à quelques mois d’intervalle. Même Nostradamus n’aurait pas osé une telle prédiction.
Oui, l’heptathlonien Maxime Moitié-Charnois (18 ans) a rejoint dimanche, lors des championnats de France d’épreuves combinées en salle à Val-de-Reuil (Normandie), le perchiste Anthony Ammirati (19 ans), tutoyant l’excellence U20 planétaire (1). Le premier derrière le phénomène belge Jente Hauttekeete, l’autre devancé par la star suédoise Armand Duplantis.
Comme à son meilleur ami, la couleur orange de l’Entente du pays de Fayence athlétisme (EPFA) lui sied à merveille. Comme lui, il a été guidé (et continue de l’être) par le même druide: Gérard Vialette. Plongés dans une marmite commune depuis les benjamins, ils ont baigné dans la potion magique de l’EPFA.
Un club familial désormais représenté à l’international par deux jeunes champions encore aux balbutiements d’une prometteuse carrière professionnelle. Et s’ils ont replacé leur « village » peuplé d’irréductibles athlètes sur la carte de France, parole aujourd’hui à « MMC », le cadet des feux follets.
Vous avez réalisé une sacrée performance. Avec peu de recul, comment le vivez-vous?
Vingt-quatre heures après [lundi soir, Ndlr], je n’arrive toujours pas à réaliser. J’ai vraiment l’impression que tout s’est passé comme on le souhaitait avec Gérard [Vialette, son entraîneur]. Et même si on y croit, qu’on le prévoit, le bon enchaînement reste toujours dur à obtenir en épreuves combinées. J’espérais sincèrement le faire, mais je ne m’attendais pas que cela se déroule aussi parfaitement.
Pour autant, en novembre à Miramas, vous aviez déjà frappé fort (2). Cela confirme votre montée en puissance…
Oui, grâce à mon entraîneur, j’ai effectué de bonnes séances. Après la compétition à Miramas, nous avons pris du temps sur mes points faibles, la longueur et le poids. Notamment en tant qu’ancien responsable national du saut en longueur, ça l’embêtait un peu de me voir à ce niveau-là. (Rire) Et, au final, ça a payé ce week-end. Cette saison, on a aussi mis en place l’intervention de kinés pour une meilleure récupération et celle d’un préparateur physique. Sans oublier la fréquence des entraînements, avec le passage à trois séances biquotidiennes par semaine. C’était dur au début, mais cela m’a beaucoup aidé physiquement.
Au-delà de l’aspect technique, que vous apporte Gérard Vialette mentalement?
C’est mon entraîneur depuis tout petit. Il me connaît parfaitement et je le connais aussi parfaitement. Sur chaque épreuve, j’ai appliqué ce qu’il me disait en faisant abstraction de la pression. Quoi qu’il arrive, j’aurai toujours confiance en lui à 100%.
Vous avez battu cinq (3) de vos records sur sept et terminé à 47 points du record mondial U20. En étiez-vous conscient au cours des épreuves?
Fin janvier, au meeting X-Athletics de Clermont-Ferrand, je m’étais mis trop la pression à propos de ce record de France. J’essayais de calculer les points. Mais j’ai très vite vu que cela m’avait desservi. Alors, pendant cette compétition, j’ai voulu rester focus à 100%, sans faire de calcul avant le 1.000 m. Je savais que j’étais sur un bon total, mais sans connaître le nombre exact de points.
À la fin de la première journée, il paraît que vous aviez encore des jambes de feu…
(Rire) Au bout d’un moment, sur un essai à 2,04m à la hauteur, mon entraîneur m’a demandé d’arrêter. Il sentait que je commençais à être moins bien physiquement. Mais là je lui ai dit: « Non, pas du tout. Je peux continuer une deuxième journée d’hepta s’il faut. Je suis bien. » J’avais les jambes pour performer.
Quels sont vos prochains objectifs de la saison hivernale et estivale?
Dans deux semaines, je serai aligné, lors des championnats de France juniors en salle à Lyon, sur le 60m haies et le triple saut. Mon gros objectif de la saison sera de me qualifier sur le décathlon pour les Europe juniors qui se dérouleront en août à Jérusalem [Israël]. Si j’y parviens, j’aimerais alors viser le titre ou le podium. Sans oublier la première marche nationale aussi en fonction du timing de la compétition par rapport à ma saison.
Vous avez été beaucoup félicité sur les réseaux sociaux, notamment par Anthony Ammirati et Kevin Mayer…
Anthony est mon meilleur ami, ça m’a touché. Puis être félicité par Kevin Mayer reste une immense fierté quand on connaît sa carrière [recordman du monde de décathlon]. Je ne m’y attendais pas, c’est une superbe surprise. Je tiens aussi à remercier mon incroyable club de Fayence, derrière moi depuis toutes ces années.
1. Avec 6015 pts, Maxime Moitié-Charnois a battu le record de France U20 détenu par Kevin Mayer (5872 pts).
2. 3e meilleure perf française U20 de tous les temps (5717 pts) lors des championnats départementaux d’épreuves combinées.
3. 6’’99 sur 60 m, 7,24 m à la longueur, 14,06 m au poids, 7’’68 sur 60 m haies (2e meilleure perf mondiale junior de la saison) et 2’46’’74 sur 1.000 m. Puis 2,01 m à la hauteur (record perso égalé) et 4,80 m à la perche (à 5 cm de son record).
« Malgré son potentiel connu et avéré, il s’agit d’une énorme performance, affirme son coach Gérard Vialette au Creps de Boulouris et au club de Fayence. Au niveau de sa préparation, la compétition tombait idéalement. Maxime se trouvait en pleine forme. Il a réalisé un week-end sans-faute. Avec des records sur presque chaque épreuve, sauf à la perche où il n’est qu’à une montée de barre. Il a raté 4,90 m de rien, avec 4,85 m, il serait passé. Et, au final, il fait 4,80 m mais, à ce niveau-là, c’est tout sauf une contre-perf. »
Au passage, il réalise le 2e temps de l’année sur le 60m haies chez les juniors – excusez du peu! En améliorant nettement son record, passant de 7’’92 à 7’’68, sur son point fort. « Au fond de moi, je savais qu’il pouvait battre le record de Kevin Mayer et on en a parlé lors d’une compétition antérieure, à Clermont. Mais ça n’a pas marché. Alors on a opté pour une tout autre stratégie », poursuit-il.
Des exploits qui méritaient bien une fête surprise à Fayence, organisée par son club, dès son retour au bercail dimanche soir. Ils étaient une trentaine d’irréductibles, banderoles à l’appui, pour l’accueillir.